Mise à l'épreuve 

Protocole Watchman vs.
Le temps des stèles de Carthage


Léo DUBAL

Laboratoire virtuel d‘archéométrie

La datation d’une pièce archéologique
telle une stèle gravée (voire une tapisserie)
peut être tentée soit par méthode :

-          indirecte, en interprétant son contenu en relation avec son contexte archéologique, ou

-          directe, en interprétant des caractéristiques physiques du support (lithique ou autre).


Pour tester le potentiel d’une méthode de datation,
il est recommandé de la confronter à d’autres données spatio-temporelles.
Dans ce sens, les motifs iconographiques relatant des événements naturels
peuvent être une précieuse aide pour la datation d’une pièce.
 

Deux  méthodes indirectes

a/        La Comète de Halley

Rappelons qu’une représentation de la comète de Halley a permis de conforter
la datation de la bataille de Hastings, thème de la tapisserie de Bayeux.
Le périhélie de la comète, son passage à proximité de la Terre, se répète
avec une période variant autours de 76 ans.
Cette comète est la seule connue pour être visible à l’œil nu.
Sa première observation, d'après les Chroniques chinoises Shiji, 
date du 25 mai –239.
Sa dernière apparition date, elle, du 9 février 1986...
et la prochaine sera en 2061.
L’empereur Louis I dit Le Débonnaire a mentionné son observation
du passage du 28 février 837.
Le passage du 20 mars 1066 permet, lui, de dater la tapisserie de Bayeux,
comme postérieure à celui-ci.   

 
Tapisserie de Bayeux/ Section à l'étoile (comète de Halley le 20 mars 1066)

De nos jours, nous pourrions supposer que la comète avec sa queue à gauche,
se dirige vers l’est, mais nous ne connaissons pas l’orientation du paysage.
Cette iconographie invite à rechercher d’autres représentations de la comète.
Toujours pour le passage du 
20 mars 1066,
dans la gravure à Albuquerque,
l’orientation est l’inverse de celle de Bayeux  !?

  
Gravure rupestre Hopi à Albuquerque

Pour le passage du 25 mai –239,
les stèles ap 240 & 241, sont candidates à des représentations de
son observation à Carthage.

 
Stèles ap # 240 & 241             

b/        Eclipse de Soleil
Nous avons avancé l’hypothèse que le culte de Tanit à Carthage avait connu son essor
à partir d’un événement fondateur, l’éclipse de Soleil du 30 avril –462.

Le contexte historique de l’introduction de ce culte à la Déesse protectrice de Carthage
est celui de l’effondrement du puissant allié étrusque
après sa défaite navale à Cumes face aux Romains.
Un cinquième des stèles que nous avons relevées
porte en effet ce signe du croissant dominant le cercle.

Notons cependant que mon arrière grand père, Jean Herzek SPIRO
- 30 ans avant la découverte du
tophet de Salammbo -
avait interprété la stèle SPIRO  #18 

  
Stèle SPIRO #18

comme représentant 1a conjonction astrale "Lune-Vénus".
Je préfère personnellement y voir
une représentation de la conjonction "Lune-Soleil".
Les éclipses de soleil restent encore de nos jours
des
événements marquants de la vie économico-religieuse.
Lors de l'éclipse du 24 octobre 1995,
la population de Bombay - rapportait la presse - est restée chez elle,
évitant toute transaction 
financière….

Une méthode directe

Une datation directe du support d'une pièce d’art lithique n’est pas possible.
Cependant,
si la gravure est
recouverte d’une couche carbonée, cette dernière,
elle,  peut faire l’objet d’une datation de son carbone-14,
et ainsi donner l’âge minimal de la pièce.

L'exemple de "FOZ COA" fit beaucoup parler de lui:
Les promoteurs d'un barrage hydroélectrique au Portugal ont tenté
de briser l'opposition des archéologues en mandatant

Alan WATCHMAN, du Laboratoire DATA—Roche
d'effectuer 1a datation au Carbone—14
des gravures du site à Ciel ouvert de FOZ—COA. 

Cette étude à intérêt économique caractérisé s'est soldée
- je dirais comme attendu -
par l'attribution d'un âge très récent (+ 250)
à ces gravures de styles paléolithiques.
Dans ce contexte, i1 m'a semblé stimulant de soumettre
un échantillon des concrétions organiques
recouvrant une partie de la surface gravée d'un objet d‘âge bien établi,
la stèle SPIRO #6,  soit  2250 +/- 150 BP
en suivant le protocole professé par Alan WATCHMAN
au Workshop sur la datation lors de NEWS96  à Swakopmund.
  
Stèle SPIRO #6 avant  &   après prélèvement
des concrétions calcaires

Avec Georges BONANI de l'Institut de Physique corpusculaire
de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, nous avons prélevé
une douzaine de milligrammes de concrétions
et i1 en a extrait environ 1 mg de Carbone.
La date qu'il a déterminé par AMS est de

21‘430 ± 170 BP.

Ainsi, malgré les soins apportés au prélèvement des concrétions,
une contamination par du "
carbonate mort »
 
est manifeste puisque nous savons que l’âge maximum
attribuable à ce dépôt est inférieur a 2'400 ans BP.

 
Les résultats du Professeur Allan WATCHMAN
sont donc a prendre avec la plus grande réserve !


                   contact: dubal @ archaeometry.org

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